Un moment de solitude

Samëa s'était échappée de la place des fêtes après avoir mangé son déjeuner. Elle s'était aussitôt dirigée vers les portails. Marchant à pas rapide dans les ruelles, elle déboucha bientôt devant le portail de l'Älges. Il était géant.

Ses piliers avaient été sculptés à la main par les plus grand de tout Arghot. A la fois abstrait et rangé, on pouvait y voir quelques choses, mais ça variait en fonction de la personne qui la regardait. Samëa voyait toute la grandeur de son clan. Toute sa personnalité.

Elle alla s'adosser contre l'un des piliers et glissa pour s'assoir à terre. Elle avait reprit ses habits normeaux et lâché ses long cheveux raides. Elle ferma les paupières et repensa. Elle revit son passé, lorsqu'elle avait du se battre contre les anciens conseillers, pour prendre sa place de reine. Elle revit sa première rencontre avec Yuki Frey, celui qui maintenant était attaché à elle par les liens du mariage. Elle se remémora beaucoup de chose. Puis elle rouvrit les yeux. Son regard d'abysse balaya la place devant le portail. Elle vit les étendues sauvage qui s'étalaient jusqu'à son pays. Jusqu'à Älges.

Ce soir, ce serait la fin de la fête. Tout le monde rentrera chez lui, la fête ne sera qu'un souvenir comme un autre ou peut-être même un souvenir ennuyant, qu'on préférait oublié. Pressant ses paumes contre ses yeux pour empêcher ses larmes de coulées, Samëa se maudissait pour son émotivité...

Le faucon volait au-dessus des portails, lorqu'il aperçut une silhouettz qui lui était familière... Arrêtant sa course, il se posa sur un arbre non loin de là et s'aperçut alors qu'il s'agissait de la reine d'Algës. Que faisait-elle là? Loin de la fête, loin du monde?

Le faucon vit des larmes couler le long de son magnifique visage. Il secoua la tête. Il ne supportait pas de voir quelqu'un être malheureux alors qu'il s'agissait d'un jour de fête où tous les clans fusionnaient pour ne faire qu'un... même si ce n'était que pour aujourd'hui.

Le faucon vola un peu à l'écart et prit l'apparence d'une succube au long cheveux noirs. Sa peau devaint grisâtre, ses yeux prirent une couleur gris foncé, presque noir. Un débardeur noir, un pantalon en cuir et des bottes l'habillaient. Puis elle ceignit son épée, cacha ses quelques poignards habituels dans les replis de ses vêtements et se prépara à aller voir la reine.

Elle sortit d'entre les arbres, fine et souple comme un chat et s'approcha de Samëa doucement. Elle s'accroupit à côté d'elle et la regardant d'un air tendre et doux, elle essuya l'une de ses larmes qui coulait lentement sur sa joue. Elle eut une seconde d'hésitation, mais finalement, elle la prit dans ses bras pour la laisser pleurer. Elle ne dit pas un mot pour ne pas la déranger, ni l'embêter. Elle voulait juste lui montrer qu'elle n'était pas seule.

Les larmes sortaient d'abord les unes après les autres, et brusquement comme si un barrage cédait, elles coulèrent comme un torrent, trempa ses joues et ses mains pour finir dans son cou et séchée avec la chaleur ambiante. La reine était souvent seule. Même entourée de ses conseillers, même à la fête, même lors de ses dîners. Elle était seule pour décider ce que était bien pour son clan, elle était seule pour organiser cette fête. Même si on l'entourait de respect, on évitait toujours de trop lui parler, ou même de l'approcher. Pourtant elle n'était vraiment pas une jeune femme méchante. On la prenait trop souvent pour ce qu'elle n'était pas. Sous prétexte de ses colères, ou de sa nature de succube ou même de son appartenance au clan d'Älges, on ne disait d'elle que du mal. Seul Yuki avait su l'aimer, mais même lui ne lui était pas personellement attaché. Même s'il le dissimulait bien, elle savait qu'il fréquentait souvent le lit d'autres femmes, et à chaque fois elle sentait son coeur s'ouvrire sous une plaie nouvelle. Son coeur qui pouvait battre à la chamade, où s'arrêté une seconde pour repartir de plus belle, ce coeur là était bardé de cicatrices, récentes ou pas, qui se rouvraient sous ce trop-plein d'émotion. Son coeur saignait par ces multiples blessures que personne ne prenait la peine de soigner. Soudain elle sentit qu'on l'attirait et des bras chauds se refèrmèrent sur elle. D'abord réticente, elle se laissa aller, et continua de pleurer en s'accrochant à l'inconnue. Puis peu à peu elle calma ses pleurs, et ouvrit les yeux. Embués de larmes, elle ne pu d'abord distingué qu'une forme noir, puis elle passa sa main par dessus, les essuyant, et elle se retrouva face à une autre succube aux cheveux aussi noirs que les siens et à l'habituelle peau grise. Lentement, Samëa reprit pieds dans la réalité, elle s'écarta de la succube et plongea son regard dans le siens. Au contraire de son vis-à-vis, Samëa avait les yeux gris, presque transparent, cependant, lorsqu'elle était en colère, ou triste comme maintenant, ils devenaient plus foncé, et prenait la teinte indéfinissable de la pierre usée par les années et les éléments. Son regard était pur, nettoyer par ses larmes et fouillait maintenant dans ceux de l'autre succube.

Les pensées tortueuses de la reine traversaient Flamme comme si ça avait été les siennes. Elle ressentait toute la peine de la reine, tous ses désirs enfouis, tous ce à quoi elle s'obligeait perpétuellement. Sourire, décider, gouverner, choisir, jamais de liberté. Souffrir en silence. La reine d'Algës était comme la reine du Lotis. Leur coeur appelait de l'amitié et de la liberté, mais leur responsabilité les obligeaient à se montrer forte et dure. Elle ne devait jamais montrer la moindre faiblesse en public. L'apparence avant tout. Et même si la reine avait envie de dire à tout le monde de la laisser en paix, de partir et de ne plus l'embêter avec leur soucis dérisoire, elle se devait de continuer à paraître enjouée et sûre d'elle. Le pouvoir est une écharpe de cauchemard. Et quand on la porte, c'est pour toujours. Les gestes et les sourires sont régis par une seule chose: l'étiquette. Il fauit toujours s'y rattacher. Donner libre cours à ses peines et ses fureurs n'est pas de mise dans le monde cruel de la royauté. Tout n'est qu'apparence, toujours, à toute heure, de tout temps.

Flamme sentit les pleurs de la reine s'apaiser peu à peu. Puis celle-ci s'écarta d'elle cherchant à l'apercevoir au travers de ses larmes. Elle s'essuya les yeux pour mieux l'observer et plongea ses yeux magnifiques dans les siens. Flamme ne chercha pas à éviter son regard, sachant qu'en le croisant, elle connaitraît tout de son passé. Leurs yeux s'accrochèrent. Les souvenirs de Samëa défilèrent dans l'âme de Flamme. Son enfance, ses peines, ses joies, ses amours... la reine ne semblait pas avoir jamais eut de véritables amis tout au long de sa vie. Elle était perpétuellement seule. Le coeur de Flamme se serra devant cette cruelle vérité. Elle avait envie d'aider cette reine.

Présentement, elle était une succube qui était censée ignorer tout de son interlocutrice... elle se devait de jouer le jeu. Elle sourit à Samëa gentiment.

-Tu vas mieux maintenant? Pourquoi pleures-tu alors qu'aujourd'hui est un jour de fête pour tout le royaume? Tu devrais rire et t'amuser... pas rester seule et triste. Restes avec moi, si tu veux, nous allons nous amuser! Et je te ferai vite retrouver le sourire ma belle!

Elle lui prit les mains, se montrant joyeuse avec la reine. Elle préférait faire comme si elle ignorait qu'elle était en présence d'une reine pour que Samëa ne se sente pas obligée de tenir son rôle de princesse de cour. C'était à elle de choisir. Peut être dirai t-elle à la succube qui elle était pour retourner à la fête assumer sa lourde charge, ou peut être choisirai t-elle d'oublier sa royauté pour un temps pour s'amuser et rire avec Flamme. C'était son choix, pas le sien.