Soirée placée sous le signe de l'eau

[J'aurais bien préféré ne pas envoyer un nouveau post, mais ne voyant aucun sujet sans réponse...]

Des festivités. Comment pouvait-on penser à festoyer dans un tel état d'esprit alors que de grandes guerres se préparaient? On aurait dit que personne ne s'en doutait.

* Des vermines qui préfèrent profiter du court répis qu'ils ont avant de faire couler le sang. Ecoeurant ! *

Ce soir, les âmes s'unissaient, ce soir, tout le monde s'entendait. Demain, nous serons tous ennemis. Voilà la logique de l'Arghot, ou du moins ce qu'en avait compris l'incube. Yuki errait dans les ruelles, sans regard pour les passants qui s'écartaient à son passage. Il était connu ici, bien trop, il était le roi d'Älges, l'insupportable. Ses petites manies de toujours embêter la moindre personne, soit pour l'aider quand il n'y a pas besoin, soit pour s'énerver contre elle pour futilités. Il était ainsi, et ce n'est certainement pas en un claquement de doigts qu'il changera. Seule une créature dans ce bas monde aurait assez de pouvoir à son égard pour le détourner de son droit chemin : Samëa. Chaque jour, chaque nuit qui passait, il pensait à elle. Ca en devenait lassant, il se torturait l'esprit à se dire qu'il n'y avait qu'elle, mais était dans la capacité de passer ses nuits dans le lit d'autres. Incroyable infidèle, mais attaché à jamais à sa reine.

Les mains enfoncées dans les poches, une douce odeur de viande grillée parvint à ses narines. Le buffet devait être succulent, ce qui tordait de plus en plus les entrailles du démon, n'ayant faim que de sa bien-aimée. La fontaine. La fontaine de paix. Doux cliché qui s'annonçait dans sa mémoire : légende bienveillante qui disait que les rois et reines s'étaient entretenus en rapport amical en ce lieu. C'était beau d'y croire. S'installant sur le rebord de cette source paisible, Yuki se laissa à nouveau entrainer dans ses songes, en contemplant son morbide reflet dans l'eau. Une petite trainée de sang coagulé était dessinée sur son front, résultat d'une bataille des jours précédents. Mépris.

* Qu'y a t-il dans cette fontaine qui provoque un tel effet d'extase à quiconque y prête attention? *

Son visage se tordit dans une grimace de dégoût. Détournant son regard pour le figer sur deux gamins qui jouaient avec un baton, il voulu se pencher en arrière, se maintenant avec ses mains posées sur la pierre glaciale dont était constituée la source. Seulement il ne prit pas un bon appui et perdit l'équilibre. Fronçant les sourcils dans un moment de réflexe durant une fraction de seconde, le voilà basculant à toute vitesse dans l'eau fraiche, dans un grand plouf sonore.

- AAAARGH !

Il détestait l'eau, beaucoup trop même. Remontant aisément à la surface, car il fallait avouer que ce n'était pas profond, il contempla le désastre. Trempé jusqu'aux os, les vêtements lui collant à la peau, ses cheveux d'un noir encore plus sombre que le charbon lui barrant la moitié du visage, faisant disparaitre ses yeux rouges si reconnaissables et qui avaient don d'effrayer les enfants dans la nuit. Pestant contre la fontaine, Yuki tentait de se relever, en vain, les algues présentes au fond donnant un effet glissant à la chose.

Samëa était dans ce qu'on pouvait appelé une cage doré. Entourée par tout ce qu'elle voulait, mais d'en l'incapacité d'être libre. La reine d'Älges était dans sa chambre, enfermée, avec pour seule distraction, le chant des oiseaux. Pas très interessant, en tout cas pour elle. La succube préférait de loin bouger, huler, rire, et danser que de rester sur un lit avec un gazouillement de bruit de fond. Mais cette fois-ci ses conseillers avaient été clair, strictes et impossible de les faires changer d'avis. Samëa s'était donc résignée, mais elle bouillonait. Sortir était obsessif. Elle ne pensait qu'à ça. Comme lorsqu'on refuse quelque chose à un enfant, il le veut encore plus. La jeune femme se morfondait, étendue sur son lit, fixant le plafond d'un oeil vide. Soudain on vint frapper à sa porte. Samëa ne répondit pas, mais la porte s'ouvrit tout de même. C'était une des conseillères. La seule femme conseillère d'ailleurs. Samëa releva la tête et la fixa une flamme d'espoire dans les yeux. Mais la conseillère referma la porte. Raté.

Quelques heures plus tard, Samëa marchait de long en large, comme un lion en cage. Elle était encore en chemise de nuit. Elle se dirigea alors vers son armoire et s'habilla avec des gestes rapides tout en marmonnant de mauvaises paroles envers son entourage. Ayant enfilé ses lanières de cuir et son voile transparent qui retombait sur ses jambes, elle attacha le bijou sur sa poitrine et celui sur son front. Ses yeux clair se posèrent vers les bottes de cuirs, indécis. Mais pour finir elle décida de rester pieds nus. Elle se dirigea vers la fenêtre décidant de passer outre les 'ordres' de ses conseillers, et essaya de l'ouvrire. Verrouillée. Fort bien, Samëa en essaya une autre, puis encore une autre... Avant de se rendre à l'évidence. On avait condamné les fenêtres.
* Réfléchis !... La porte !! Elle n'est pas fermée à clef ! *
Remerciant interieurement la conseillère, Samëa ouvrit discrètement la porte et jeta un coup d'oeil dans le couloir. Deux gardes. Pfeu. Comme si ça pouvait l'arrêter, franchement !! Elle retourna dans sa chambre et saisit un vase remplit d'eau. Hop elle activa son pouvoir et l'eau se changea en vapeur éttoufante. Elle lui ordonna d'aller étouffé -sans tuer- les gardes. Quelques secondes plus tard, les deux corps tombèrent à terre dans un bruit sourd.

Libre !
Samëa était sortie de sa cage doré. Enfin ! Un sourire s'étendit sur son visage. Elle était entrain de marcher dans l'une des ruelles adjacentes au palais. Lorsqu'elle arriva à un embrenchement elle hésita de la direction... Le Calipre, ou la fontaine ? Elle opta pour la deuxième solution et prit à gauche. Quelques minutes plus tard elle déboucha dans la place. Au milieu la fontaine glougloutait tranquillement comme à son habitude. Samëa s'arrêta quelques instants pour écouter l'eau couler. Elle aimait ce bruit. Lorsque quelque chose vint dérenger ce moment de tranquillité. Un plouf sonore. Samëa ouvrit brusquement les yeux, et vit une forme essayant de se relever tant bien que mal. Elle plissa les yeux. Semblant reconnaitre quelqu'un.

Elle secoua la tête, impossible ! Elle éclata de rire, alors que le jeune homme tentait sans réussir de se relever. Et de son pas dansant elle s'en approcha. Un sourire sur ses lèvres. Mais plus elle s'approchait, plus il lui semblait reconnaitre le jeune homme. Lorsqu'elle fut devant lui, elle en était certaine. Tendant la main vers lui elle dit d'une voix amusée.

« Besoin d'aide Yuki ? »

Ah, elle était là, enfin. Juste devant lui, un sourire amusé éclairant son visage tel une étoile dans le ciel. D'ailleurs, plusieurs étaient présentes actuellement, mais la seule qui brillait suffisamment pour décocher des rêveries de l'esprit perturbé de Yuki était sans nul doute Samëa. Il ne rêvait pas, elle était bel et bien ici, face à lui.

Oubliant alors qu'il était actuellement en train de patauger dans l'eau, l'incube se passa une main dans le cou, étant gêné à la manière de n'importe quel humain stupide. Il l'était actuellement. Pathétique même. Allons, ce n'était que... Que sa reine. Oui c'est ça. La plus belle enchanteresse de tous les temps, la plus cruelle également, mais qui avait percé son coeur à jamais. Non, même, elle ne lui avait pas simplement percé mais bien arraché de mains vives, et depuis, elle le conservait bien précieusement dans sa malle personnelle, là où elle entretenait chacune des âmes qu'elle avait dérobé à son possesseur initial. N'avait-elle donc aucune peine à renouveler sa tâche dès qu'un charmant soldat se tenait à sa portée?

- Sam... Samëa...

Il parvenait à peine à glisser ce divin nom entre ses dents. Ses yeux à la pupille de braise s'ouvrant toujours de plus en plus, impressionné par l'ampleur que prenait la déesse dans son esprit, il gigota nerveusement. Les petits clapotis de l'eau le fit remonter à la surface, c'est le cas de le dire d'ailleurs. Conscient qu'il était là, imbécile, en posture grotesque dans une fontaine, il posa son regard sur la main qui lui tendait sa douce. Esquissant un petit sourire qui n'avait rien de convaincu, il s'empara de cette aide charnelle. Si douce peau, si beau geste. Tout ça le hantait. Il se releva enfin, de l'eau dégoulinante de ses vêtements noirs comme ses pensées, une algue s'étant collée au fourreau de son épée, arme dont il ne se séparait jamais. La dégageant d'un geste rapide de la main, il reporta toute son attention sur sa dulcinée. Hochant poliment la tête en guise de salut, abaissant les yeux au sol, il en profita pour se laisser entrainer par ce subtil parfum exotique qui émanait de Samëa. On ne pourrait le décrire tant il était acidulé, fruité, parfait.

[Diantre que ce post est ridicule. Je m'excuse de ne pouvoir faire mieux, j'ai mal au ventre et je ne peux rester trop longtemps devant le PC sans me plier en deux]

La nuit était tombée. La lune brillait doucement dans le ciel, entourée de quelques pâles étoiles. Son reflet ondoyait sur la surface de l'eau transparente. La place de la fontaine était presque vide, quelques personnes, inconnus et qui le resteraient, passaient rapidement, sûrement pour rejoidre une demeure ou peut-être un bar pour boire et discuter jusqu'au matin, peut-être plus. Et près de la fontaine deux personnes. Deux souverains. L'un dans l'eau, l'autre debout tendant la main. L'eau clapotait lentement alors que le silence s'étirait. Samëa commençait à se demander si elle devait retiré sa main ou pas. Elle se sentait gênée, ainsi penchée la main figée dans un geste, comme si le temps s'était arrêté et que rien ne semblait vouloir bouger. Yuki passa sa main dans sa nuque l'air géné.

Samëa avait un sourire indéchiffrable. À la fois amusé, mais aussi triste, nostalgique. Le temps passait si vite et à la fois si lentement. Parfois l'on pensait évolué dans un monde aquatique, les bruits ne semblaient venir que de très loin, et d'autre fois, le temps passait trop vite, l'on avait à peine le temps de voir des visages ou d'enregister des conversations. Celui-ci prétendait à la première catégorie. Le chant des hiboux ne parvenaient plus, et le vent semblait ne plus jamais vouloir souffler. Samëa se rappellait d'avant. Lorsque la première fois elle avait croisé Yuki, et son regard, si étrange, envoutant... Puis sa cour assidu, ses actes, ses demandes. Samëa avait longuement hésité de lui apprendre qui elle était. En même temps cela était comique, il habitait tout de même dans son château, mais il ne l'avait pas reconnue.

Lorsqu'elle lui avait enfin tout dévoilé, Samëa avait été totalement séduite par son expression, et ses mots. Non, il était plutôt adorable, comme un enfant prit en faute. Et quelques jours plus tard, elle se mariait. Avec lui. Par amour ? Peut-être. Mais les années avaient filés, ils ne se voyaient presque plus, Samëa prise par son travail harassant, entre deux sorties nocturnes, et ses expéditions dans les autres clans et Yuki... Il parassait que pour combler son absence il rendait visite à d'autres filles. À chaque allusion de cette sorte, Samëa sentait son coeur se serré, sans en comprendre réelement la raison. Elle espérait que ce n'était que de fausse rumeur.

Enfin, il prononça son prénom. Samëa hocha la tête comme pour confirmer que oui, c'était elle. Quelques secondes après Yuki saisit sa main devenue un peu inutile, et Samëa l'aida à sortir de l'eau. Pendant qu'il retirait une algue importune de son précieux katana, la succube le détailla. Cela faisait longtemps qu'elle ne l'avait pas vraiment regardé. Ainsi, ses yeux si sombre, ses cheveux humides, l'eau roulant sur son visage et sur ses cils. Samëa battit des paupières et dit d'une voix douce.

« Yuki... »

Lui hocha simplement la tête en guise de salut. Il était si froid et si distant avec elle, alors que n'importe qui pouvait voir l'amour qu'il lui portait. Samëa était pénée, mais elle ne savait pas non plus quoi faire. Le prendre dans ses bras ? L'embrasser ? Que dire ? Indécise, la jeune femme s'assit sur la pierre du rebord. Fixant lentement celui qu'elle aimait certainement plus que n'importe qui d'autre, sans vouloir vraiment se l'avouer.

« Cela faisait longtemps. »

Samëa se maudit pour cette phrase si stupide. Ne pouvait-elle pas faire mieux ? Dire quelque chose de plus adapté. Ses yeux, malgré elle, caressèrent du regard Yuki. S'en rendant compte, elle détourna le regard, et fixa l'eau. D'une voix presqu'éteinte elle continua.

« Tu m'as manqué... »

La succube n'en revenait même pas elle-même. Pourquoi avait-elle dit ça ? Mais en même temps c'était la vérité... Alors pourquoi se mentir.